DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettres
V - W
(Troisième partie)
VÉRIFICATION DE L’IDENTITÉ DU PRÉVENU
Cf. Carte d'identité*, Contrôle d'identité*, Débats*, Identité judiciaire*, Prévenu*.
L’art. 406 C.pr.pén. dispose que, dès le début de l’instruction à l’audience, le président du tribunal doit s’assurer de l’identité du défendeur (art. 273 pour la Cour d’assises). Cette formalité, qui découle du principe de la saisine in personam, n’est pas substantielle, car s’il y avait une erreur sur ce point le prévenu ne manquerait pas de le relever ; aussi n’est-elle pas prescrite à peine de nullité.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Formalités préalables. Il appartient au président du tribunal de s’assurer de la présence du prévenu, dont il vérifie l’identité.
Cass.crim. 6 mai 1969 (Bull.crim. n°152 p.373) : La formalité de l’art. 406 n’est qu’une simple recommandation, dont le défaut de constatation ne saurait entraîner la nullité, alors qu’il ne résulte pas des énonciations de l’arrêt qu’une contestation se soit élevée quant à l’identité des prévenus.
Cour sup. du Luxembourg 30 juin 1960 Pas.lux. 1960-1962 155) : Il appartient au juge du fond, saisi par l’effet d’une ordonnance de renvoi, de vérifier si la personne comparaissant devant lui en la qualité de prévenu est bien celle renvoyée devant lui.
Procès du maréchal Bazaine, première audience, le
6 octobre 1873 :
M. le Président : Monsieur le maréchal, levez-vous. Quels sont vos nom et prénoms ?
M. le maréchal Bazaine : Bazaine, François-Achille.
M. le Président : Votre âge ?
M. le maréchal Bazaine : Soixante deux ans.
M. le Président : Votre lieu de naissance ?
M. le maréchal Bazaine : Versailles.
M. le Président : Votre profession ?
M. le maréchal Bazaine : Maréchal de France.
M. le Président : Votre dernier domicile ?
M. le maréchal Bazaine : Paris.
M. le Président : Asseyez-vous.
- Si la personne qui comparaît physiquement n’est pas celle qui a été renvoyée devant le tribunal, ce dernier doit se déclarer incompétent. Le Tribunal révolutionnaire ne s’arrêtait pas à cette irrégularité.
Tribunal révolutionnaire. Dans l’affaire de la prétendue conspiration de la prison Saint-Lazare, l’acte d’accusation visait : « André Chénier, âgé de 31 ans, né à Constantinople, homme de lettres, ex-adjudant général chef de brigade sous Dumouriez, demeurant rue de Cléry ». Il le confondait ainsi partiellement avec son frère Sauveur. La Cour ne prit pas la peine de rectifier avant de prononcer la condamnation à mort (au reste le poète avait commis le crime d’appartenir au parti des « indulgents ».
Tribunal révolutionnaire, audience du 19 messidor an II, lecture de la liste des soixante accusés du jour : « n°4, Louis-Clerc Morin, 65 ans, né à Paris, ci-devant de la garde de Capet ». Le seul Maurin de la fournée entassée sur les gradins fait observer qu’il ne peut s’agir de lui : il se prénomme Jean-Dominique et n’a jamais été militaire. Qu’à cela ne tienne, Fouquier-Tinville répare l’erreur en prenant des réquisitions verbales pour que le présent remplace l’absent. Le premier sera condamné et exécuté le jour même. Louis-Clerc Morin fut condamné à son tour le 22 messidor.
VÉRIFICATION D’IDENTITÉ (d’un passant)
Cf. Arrestation par l’autorité publique*, Contrôle d’identité*, Identité judiciaire*.
Dans certaines situations, précisées par l’art. 78-2 C.pr.pén., la police judiciaire a le pouvoir de procéder à un Contrôle d’identité*. Si un individu contrôlé refuse de décliner son identité, ou ne peut en justifier, un officier de police judiciaire peut le retenir dans ses locaux le temps de procéder aux recherches nécessaires (art. 78-3 C.pr.pén.).
Pradel (Procédure pénale) : Cette procédure appelle trois remarques. D’abord, comme elle est plus attentatoire aux libertés que le simple contrôle, elle ne peut être effectuée que par un officier de police judiciaire. Ensuite, les cas de vérification doivent être précisés : 1° Impossibilité de justifier de l’identité, 2° Refus de justifier de l’identité. Enfin le système de l’art 72-3 C.pr.pén. est bâti sur une conciliation entre la reconnaissance de certaines prérogatives aux policiers et le respect des droits du citoyen.
Cour EDH 27 novembre 1997 (D. 1998 somm. 206, note Renucci) : En l'espèce, la durée maximale de privation de liberté de douze heures aux fins de vérification d'identité est fixée par la loi et revêt un caractère absolu.
Cass. 1e civ. 10 juillet 2013, n° 12-23463 : Ayant constaté que si l'intéressé avait spontanément déclaré son identité, il n'avait fourni aucun élément permettant d'en justifier, le premier président en a justement déduit que les services de police n'avaient eu d'autre ressource que de procéder à des photographies et des prises d'empreintes digitales aux fins de vérification de la réalité du nom dont il se prévalait.
VÉRITÉ - VÉRACITÉ
Cf. Beau*, Bien*, Contrefaçon*, Doute*, Évidence*, Faux*, Foi publique*, Justice*, Mensonge*, Opinion*, Raison*, Sincérité*. Voir également : Maât*, Thémis*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 13, p.26 / n° 102 p.56 / n° 105 p.63... / Voir la Table alphabétique
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° 1, p.1 / n° 2, p.1 / n° I-I-I-207, p. 43 / n° I-I-II-3, p.123 / notamment
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° 8, p.9 / n° II-234, p.339 / n° II-307, p.362-363 / n° II-309, p.368 / voir: Table alphabétique, p.686
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 124, p.74-75 / n° 327, p.179
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 35, p.34 / n° I-I-113, p.89 (note 3) / n° II-103, p.306-307 / n° II-I-100, p.329 / n° II-I-123, p.362 / n° II-II-101, p.450 / n° II-II-208, p.498 / n° II-II-209, p.499
Voir notre article : La doctrine est-elle une source du droit ?
Voir : Cousin, Devoirs envers soi-même et devoirs envers autrui
Voir : Jean Pontas, Cas de conscience de l’avocat scrupuleux
- Notion. Il importe, en droit, de distinguer la vérité de la véracité.
Notion de vérité. D'un point de vue philosophique (ou théologique), la recherche de la Vérité concerne les idées, les théories, les doctrines ; elle constitue le but ultime à viser, même s'il apparaît impossible de l'atteindre en raison des limites de l'esprit humain qui ne peut par exemple concevoir les notion d'infini et d'éternité. St Jean fait justement observer : « c’est la vérité qui libère, le mensonge qui asservit ». Celui qui est persuadé détenir la Vérité absolue commet le péché d'orgueil ; péché qui risque de le conduire à se conduire en Fanatique* et à commettre les pires crimes.
Vergely (Le dico de la philosophie) : D’une façon générale une vérité désigne un énoncé que nul ne peut remettre en cause, parce que, celui-ci étant vérifié par les faits, tout le monde peut le confirmer.
Jolivet
(Traité de philosophie) : La vérité ontologique - Par
vérité ontologique on entend l'être des choses, en tant qu'il
répond exactement au nom qu'on lui donne... Les choses, en
effet, sont vraies en tant qu'elles sont conformes aux idées
d'après lesquelles elles sont faites. Connaître cette vérité,
c'est-à-dire connaître les choses telles qu'elles sont, c'est la
tâche de notre intelligence.
La vérité logique - La vérité logique désigne la
conformité de l'esprit aux choses, c'est-à-dire à la vérité
ontologique. Lorsque j'affirme : «
Cet or est pur », j'énonce
une vérité, si vraiment la pureté appartient à cet or,
c'est-à-dire si mon jugement est conforme à ce qui est. Il suit
de là que le vérité logique n'existe que dans le jugement.
Cousin (Du vrai, du beau et du bien) : Le vrai, le beau et le bien ne sont que les manifestations diverses d’un même être, Dieu.
Jean-Paul II (Méditations) : La vérité est le but de l’univers « ultimus finis totius Universi est Veritas », comme l’a écrit St Thomas d’Aquin, l’un des plus grands génies de la pensée humaine.
P. Evdokimov (Une vision orthodoxe de la théologie morale) : Même sur terre, les valeurs du Bien, de la Beauté et de la Vérité, sont indestructibles et ne supportent aucun relativisme.
Leclercq
(Leçons de droit naturel - T.II) : L'homme doit défendre la
vérité, et celui qui est sincèrement convaincu de la posséder a le
devoir de la défendre dans ce qu'il croit être la vérité.
Il est vrai que ce principe est une source de conflits entre les
hommes, mis si on le repousse, on glisse nécessairement jusqu'au
relativisme, jusqu'à la négation de toute vérité, à la suppression
de toute règle de la vie humaine.
Oldenberg (Bouddha, Vie et religion) : Un homme droit est celui qui se tient à l'écart de toute impureté. Parmi les diverses défenses dans lesquelles les textes sacrés décomposent cette prescription... figure celle de ne pas dire la vérité.
Fr. Lenoir (Socrate, Jésus, Bouddha) : « Qu'est-ce que la vérité ? », demande Pilate à Jésus. Cette question sonne d'autant plus juste à nos oreilles que nous sommes bien souvent persuadés, comme Pilate, qu'elle est sans réponse. Mais, comme le souligne avec pertinence André Comte-Sponville : « S'il n'y a pas de vérité, ou si on ne peut pas du tout la connaître, quelle différence entre un coupable et un innocent, entre un procès et une mascarade, entre un juste et un escroc ? ». [nous allons voir que le pénaliste ne s'interroge pas sur la notion abstraite de Vérité, mais sur le point de savoir si les faits évoqués dans un procès donné se sont effectivement produits].
En droit criminel, la recherche de la vérité consiste simplement en l’affirmation ou la représentation exacte de la réalité des faits matériels, concrets et sensibles du cas d’espèce.
Marc Aurèle (Pensées pour moi-même) : Une seule chose ici-bas est digne de prix : passer sa vie dans la vérité et dans la justice.
Évangile St Jean (3, 21) : Celui qui agit en vérité vient à la lumière afin de manifester que ses œuvres sont faites en Dieu.
Jolivet (Philosophie morale) : La vérité morale, par opposition au mensonge, consiste dans la conformité du langage avec la pensée.
Notion de véracité. Alors que la vérité est objective, la véracité est subjective. Celui qui parle avec véracité, avec franchise, expose ce qu'il pense sincèrement être vrai ; on ne peut exiger plus d'un témoin.
Höffe (Dictionnaire d’éthique) : On appelle véracité l’obligation à l’égard de la vérité, par exemple dans la promesse.
Bentham (Déontologie ou science de la morale) : La confusion d'idées entre la vérité et la véracité, a fait naître dans l'expression beaucoup d’ambiguïtés... La véracité est la disposition d'un homme à transmettre aux autres l'impression exacte de ce qu'il éprouve, c'est l'action d'éviter de dire ce qui n'est pas.
Cass.crim. 8 août 1994 (Gaz.Pal. 1994 II somm. 700) : Il appartient au procureur de la République et aux enquêteurs de vérifier la véracité des déclarations des personnes en causes.
- La vérité intérêt protégé. Étroitement liée aux notions de justice et de raison, la vérité apparaît comme un intérêt majeur que le législateur a le devoir impératif de défendre.
Joachim
Du Bellay (Les regrets, 48) :
Ô combien est heureux qui
n’est contraint de feindre
Ce que la vérité le contraint de penser.
Règle de St Benoît (Chap. 4 - Quels sont les instruments pour bien agir ?). N°28 : Dire la vérité de cœur comme de bouche.
Code civil. Art. 10 : Chacun est tenu d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité.
Cass. (1e civ.) 21 juillet 1987 (Gaz.Pal. 1987 II Panor. 269) : L'obligation d'apporter son concours à la Justice pour la manifestation de la vérité s'impose aussi bien aux personnes privées qu'aux personnes publiques et le juge civil a le pouvoir d'ordonner à un tiers de produire tout document qu'il estime utile à la manifestation de la vérité.
Celui qui dit la vérité ne devrait jamais relever du droit pénal ; celui qui ment dans un but frauduleux ne devrait jamais lui échapper. Mais, les temps que nous traversons ont un faible pour le mensonge, devenu plus que jamais un instrument du pouvoir temporel.
Jean XXIII (Encyclique Pacem in terris § 35) : Une société n'est dûment ordonnée, bienfaisante, respectueuse de la personne humaine, que si elle se fonde sur la vérité.
Catéchisme de l'Église catholique. § 2467 : L'homme est tenu d'honorer et d'attester la vérité.
Vittrant (Théologie morale) : La véracité est une vertu sociale qui nous oblige à dire la vérité toutes les fois que c’est possible.
Jolivet (Philosophie morale) : Les hommes sont constamment obligés de communiquer entre eux pour les divers besoins de la vie. L’office essentiel de la parole, parlée ou écrite, est d’être l’instrument de ces rapports nécessaires et réciproques. Or la première condition pour que la parole atteigne son but est qu’elle exprime la vérité. Car ce que l’on attend d’autrui, lorsqu’on entre en rapport avec lui, c’est toujours la vérité.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Entre les hommes qui ont besoin à chaque instant de communiquer les uns avec les autres, de s'instruire et de se renseigner les uns les autres, la parole est le grand lien social. Or, elle ne peut remplir sa fonction nécessaire qu'à condition d'exprimer la vérité. Car c'est la vérité que nous demande l'homme qui nous interroge et qu'attend de nous celui qui nous écoute... Le tromper, en lui disant une fausseté présentée comme une vérité, serait une injustice.
J.B. Livingstone (La jeune fille et la mort) dénonce L’imposture actuelle qui fait passer la laideur pour la beauté, la médiocrité pour le génie, le mensonge pour la vérité.
- La vérité fait justificatif. Dans la rigueur des principes l'énoncé de la vérité ne saurait constituer une infraction, notamment quand elle porte atteinte à la réputation d'une personne ; ainsi le délit de calomnie n'est pas caractérisé lorsque l'auteur des propos infamants rapporte la preuve de leur vérité et n'a pas parlé dans le seul but de nuire à autrui. En écartant le délit de Calomnie* au profit du délit de Diffamation*, le législateur français a créé une situation paradoxale où l'on voit condamner une personne qui a témoigné de la vérité et donner gain de cause à l'auteur de faits délictueux.
Grégoire IX (Décrétales) : Il vaut mieux s'exposer à causer du scandale que de trahir la vérité.
Leiris (Fibrilles) : Il faut mentir s'il n'y a que du mal à attendre de l'aveu d'une vérité.
Goyet (Droit pénal spécial) : Depuis l'ordonnance du 6 mai 1944, la preuve de la vérité est recevable... sauf dans les cas suivants : 1° Lorsque l'imputation concerne la vie privée d'une personne ; 2° Lorsque l'imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix ans ; 3° Lorsque l'imputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision.
- La recherche de la vérité par la justice. Parmi d’autres textes, l’art. 310 C.pr.pén. rappelle au président de
la Cour d’assises que le but de toute instruction criminelle consiste en premier lieu dans la recherche de la vérité ; non d’une vérité
philosophique portant sur des notions abstraites, mais de la vérité matérielle concernant l’existence des faits concrets qui font l’objet des poursuites.
Vérité et Justice sont indissolublement liées.
- Si le tribunal doit veiller à ce que l’information s’effectue dans le respect des droits du prévenu et de la partie civile, il ne doit jamais oublier
que son but prioritaire est l’établissement de la vérité. En effet, ce n'est que par la voie de la vérité que l'on peut atteindre la justice.
Cf.: Débats*, Erreur judiciaire*, Instruction préparatoire*, Intime conviction*, Juge*, Justice* , Ministère public*, Preuve*.
Psaume 84 : La vérité germera de la terre, Et du ciel se penchera la justice.
Chartier (Avant-propos au Rapport de la Cour de cassation 2004) : Sans la recherche de la vérité, il n'est pas de justice ; et toutes les valeurs que celle-ci sous-tend, tous les principes sur lesquels elle repose d'effondrent. De ce point de vue, la vérité transcende tous les domaines du droit.
Bonnier (Traité des preuves) : La science du droit se propose pour but, dans la sphère qui lui est assignée, la découverte de la vérité, aussi nécessaires à l'intelligence de l'homme que la justice l'est à sa conscience.
Bekaert (La manifestation de la vérité dans le procès pénal) : Tous les auteurs estiment que l’esprit qui anime l’ensemble des dispositions du Code d’instruction criminelle est fondamentalement orienté vers la recherche de la vérité, qui, seule, procure la sécurité judiciaire et l’équité de la décision…
Levasseur (Cours de droit pénal général complémentaire) : La manifestation de la vérité est le but premier des poursuites et de la décision répressive.
Code de procédure pénale du Guatemala. Art. 309 : Dans la recherche de la vérité, le ministère public devra pratiquer toutes les diligences pertinentes et utiles pour déterminer l'existence du fait, avec toutes les circonstances d'importance pour la loi pénale.
Paris (1re Ch. accus.), 26 avril 1990 (JCP 1991 II 21704 note Pannier) : Les principes généraux du droit prohibent la recherche de la vérité par n'importe quel procédé et interdisent au juge d'admettre une preuve qui aurait été obtenue par un moyen frauduleux.
Baillet (Le régime pharaonique) relève que, dans l'Égypte pharaonique, on assimile Vérité et Justice : Dans la Grande salle de la Vérité (ou de la Justice), Osiris préside au jugement de l'âme des défunts.
Le Mappian (Sains-Yves) : Yves Hélori est conscient de la finalité donnée au formalisme judiciaire : il s’agit d’instaurer un débat clair et loyal, à l’issue duquel une vérité puisse être découverte.
L'art. 10 du Code civil fait obligation à chacun d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité.
Cass. 1e civ. 25 octobre 1994 (D. 1994 IR 257) : Le concours visé par l'art. 10 C. civ. est celui qui doit être apporté non aux particuliers, mais à l'autorité judiciaire, en vue de la manifestation de la vérité.
VERTU
Cf. Amour*, Bien*, Charité*, Déontologie*, Devoirs*, Humanité* , Imitation* , Mal*, Morale* , Passions*, Probité*, Récompenses*, Sagesse*, Tolérance* , Vices*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-1, p.121
Voir : Aristote, La justice
Voir : A. Pierre et A. Martin, Cours de morale à l'usage des écoles primaires supérieures
- Notion. La vertu apparaît comme une disposition de la personne qui la pousse à faire le bien et la dissuade de faire le mal. Aristote enseignait que la vertu consiste à trouver un équilibre entre deux tendances extrêmes et également vicieuses : le courage se situe au juste milieu, entre la témérité et la lâcheté (qui peuvent d'ailleurs l’une comme l’autre être tenue pour un délit militaire).
Vergely (Dictionnaire de la philosophie) : La morale définit la vertu comme étant la vie parfaite, et plus concrètement le fait de vivre pour la perfection.
Aristote (Rhétorique I-IX-4) : La vertu est une puissance capable de faire accomplir de bonnes actions nombreuses, importantes, de toute sorte et à tous les points de vue. Les variétés de la vertu sont : la justice, le courage, la tempérance, la magnificence, la magnanimité, la libéralité, la mansuétude, le bon sens, la sagesse.
Baudin (Cours de philosophie morale) : L'idée et le mot même de vertu, populaires chez les anciens, ne le sont plus autant chez les modernes, qui, depuis Kant, donnent la prévalence à l'idée de devoir... Une classification, classique depuis Platon, les ordonne selon leur importance, et fait passer en tête les quatre "vertus cardinales" de sagesse, de tempérance et de justice.
Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale. V° Vertu (Dent) : Lorsqu’on doit recommander une personne, on s’attache généralement à identifier et vanter les aspects excellents de son caractère, ainsi que ses talents et les qualités de son tempérament. On pourrait, par exemple, vanter son caractère consciencieux, ses qualités de coopération, le fait qu’elle soit digne de confiance, sa loyauté… Ce sont de telles excellences humaines que l’on appelle des vertus. Des qualités de caractère admirables et louables.
Coupé (De la morale) : La vertu consiste dans les efforts généreux que je fais pour l’avantage de mes semblables et le bien-être général.
Droz (De la philosophie morale) : La vertu, si l'on veut n'employer pour la définir que les idées admises par tous les moralistes, est une constante habitude de tempérance et de bienveillance.
John Rawls (Théorie de la justice, III-7-66) : Nous Les vertus sont des sentiments et des habitudes qui nous conduisent à agir selon certains principes du juste.
- Morale. La loi morale tend tout naturellement à encourager la vertu, qui permet à l'homme d'accomplir ses devoirs envers lui-même, envers ses proches, envers autrui et envers la société ; et par là même de s'épanouir pleinement. Les Vertus sont filles du Bien.
Voir : Holbach, Du mal moral, ou des crimes, des vices et des défauts des hommes
Védisme (Bhagavad-Gita) XIV 5-6 : La vertu, le plus pur des éléments, éclaire l'être et l'affranchit des actes coupables.
Lois de Manou : Son père, sa mère, son fils, sa femme et ses parents, ne sont pas destinés à accompagner l’homme lors de son passage dans l'autre monde ; la vertu seule lui restera.
Xénophon (Les Mémorables) : Socrate s’étonnait qu’un homme qui fait profession d’enseigner la vertu exigeât un salaire.
Marc-Aurèle (Pensées pour moi-même) : Il n’y a de bien, pour l’homme, que ce qui le rend juste, tempérant, courageux, libre ; il n’y a de mal que ce qui produit des effets opposés aux dites vertus.
Lecomte du Noüy (L'avenir de l'esprit) : La vertu est la forme que prend l'effort de l'Homme pour libérer l'esprit de la matière, ce qui est la fin ultime vers laquelle tend l'espèce humaine.
Jolivet (Traité de philosophie - morale) : On compte quatre vertus principales, appelées cardinales, parce qu'elles sont comme les centres ou pivots autour desquels s'ordonnent toutes les autres vertus morales. Ces vertus sont la prudence, la justice, la force et la tempérance.
Leclercq (Leçons de droit naturel - 2e éd.) : Les vertus libèrent l'intelligence qui voit plus facilement la vérité ; elles libèrent la volonté qui choisit plus facilement entre les biens. Il est vrai qu'elles rendent difficile à l'homme de vouloir le mal, mais la puissance de faire le mal est une infirmité ; diminuer cette puissance n'est pas diminuer l'homme,mais l'élever.
Janet (La morale) : La vertu... consiste à accomplir son devoir, c'est-à-dire à suivre la règle d'action que notre raison nous commande ou nous conseille. Le devoir, à son tour, consiste à faire le bien ; c'est la règle d'action qui nous impose la pratique du bien. Ainsi, la vertu suppose le devoir, et le devoir suppose le bien.
Pierre et Martin (Cours de morale) : Les vertus ont une valeur sociale ; il n’est pas inutiles à la société, il lui importe au contraire essentiellement, que les membres qui la composent soient sobres, sains, vaillants, laborieux et économes ; c’est pour elle une garantie de durée et de force, tandis que la nature punit de mort les familles et les nations qui ne respectent pas ses lois.
Fernand Pouillon (Les pierres sauvages) cite St Bernard de Claivaux : Il faut attirer l'attention sur l'accord parfait des vertus, sur cet enchaînement harmonieux qui les fait dépendre les unes des autres.
Héribert Jone (Théologie morale) : La vertu est un état durable qui perfectionne la force de l’âme et l’incline à la pratique du bien. Les quatre vertus principales sont : la prudence, la justice, la tempérance et la force… Celui qui veut pratiquer la vertu doit avoir un jugement droit (prudence), il doit avoir le respect de la loi et du devoir, et rendre à chacun ce qui lui appartient (justice), il doit surmonter toutes les difficultés sans se décourager (force), il doit garder la mesure et se dominer soi-même (tempérance).
J. de Maistre (Les soirées de Saint-Pétersbourg) : Le vice écarte les hommes, comme la vertu les unit.
- Politique sociale. Moralistes et juristes s’accordent à reconnaître que le législateur pénal ne saurait se montrer trop exigeant, qu’il n’a pas le pouvoir d’imposer à tous la pratique de l’ensemble des vertus, et qu’il doit se borner à lutter contre les vices qui mettent en péril la société. L’être humain étant une créature imparfaite, les pouvoirs publics s’épuiseraient à vouloir imposer la pratique quotidienne de la vertu.
Machiavel (Le Prince) : Un Prince doit montrer qu'il aime les vertus et doit porter honneur à ceux qui sont excellents en chaque art.
Louis XIV (Instruction à Philippe V) : 4° Déclarez-vous en toute occasion pour la vertu contre le vice.
Leclecq (Leçons de droit naturel, T.I) : L'homme est dépendant du milieu où il vit , de l'éducation qu'il reçoit, des exemples qu'il a sous les yeux, des doctrines qui lui sont enseignées. La vertu devient plus facile dans un milieu sain, si l'on bénéficie d'une éducation soignée, si l'on est entraîné par de bons exemples, si l'on croit à une doctrine qui excite à faire le bien. [ c'est pourquoi on peut s'interroger sur la politique des pouvoirs publics consistant, notamment dans le monde du spectacle, à montrer le vice sous un jour plus favorable que la vertu ].
Thomas d’Aquin (Somme théologique) : Les lois humaines sont faites pour tous les hommes, dont la plupart n’ont point la perfection de la vertu : elles ne doivent donc pas défendre tous les vices que fuit l’homme vertueux, mais seulement les crimes que le grand nombre peut éviter, surtout ceux qui nuisent aux autres et dont la défense est nécessaire à la conservation de la société.
Cousin (Introduction au Gorgias) : La première loi de l'ordre, est d'être fidèle à la vertu, à cette partie de la vertu qui se rapporte à la société, savoir : la justice. Mais si l'on y manque, la seconde loi de l'ordre est d'expier sa faute, et on ne l'expie que par la punition.
Bautain (Philosophie morale) : Les gouvernements prescrivent surtout des lois de justice. Quant à la perfection, la charité, l’État peut sans doute les exciter, les encourager, mais il n’en fait point des lois, parce que ces choses le dépassent, lui et sa fin.
Chauveau Hélie (Théorie du Code pénal) : La loi se borne à demander les formes, et, pour ainsi dire, l’ombre de la vertu, plutôt que la vertu elle-même.
Baillet (Le régime pharaonique) relève que, dans l'Égypte pharaonique, on assimile Vérité et Justice : Dans la Grande salle de la Vérité (ou de la Justice), Osiris préside au jugement de l'âme des défunts.
Bertrand Soubelet, Général de Gendarmerie (Tout ce qu’il ne faut pas dire - éd. Plon 2016) : Je voudrais contribuer à remettre au goût du jour des valeurs oubliées, nos valeurs fondatrices : l'intérêt général, la probité, l'honneur, la sincérité. Autant de mots vidés de leur sens, que les politiciens de tous bords utilisent sans vergogne et sans un croire une minute. Autant de vertus sans lesquelles il n'y a pas de grande nation.
Montesquieu faisait reposer la démocratie sur la vertu ; il savait qu’une société livrée à l’hédonisme est condamnée à décliner, à perdre sa liberté, puis à disparaître. Mais, si le mot vertu est pris dans le sens étroit de dévouement absolu à l’État, toute atteinte à la « vertu » devient un crime de lèse-État, et engendre un gouvernement totalitaire.
Vergely (Dico de la philosophie) : Quand le plaisir se met à guider une cité, n’y a-t-il pas un danger de voir apparaître un régime politique fondé sur la démission des uns, vivant dans la facilité, et la démagogie des autres, flattant la facilité des premiers afin de mieux pouvoir les dominer ?
Robespierre (Discours du 18 pluviôse an II) :
Quel est le ressort essentiel qui soutient le gouvernement démocratique ou populaire et qui le fait mouvoir ? C’est la vertu : je parle de
la vertu publique qui opéra tant de prodiges dans la Grèce et dans Rome, et qui doit en produire de bien plus étonnants dans la France
républicaine ; de cette vertu qui n’est autre chose que l’amour de la Patrie et de ses lois.
Le vice et la vertu font les destins de la terre ; ce sont les deux génies opposés qui se la disputent. La source de l’un et de l’autre est dans
les passions de l’homme. Selon la direction qui est donnée à ses passions, l’homme l’élève jusqu’aux cieux, ou s’enfonce dans les abîmes fangeux.