DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
Dictionnaire des noms propres
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Sur l’importance du rôle social des auteurs évoqués ci-dessous, voir notre étude :
La doctrine est-elle une source du droit ?
Lettre R
RAUTER Jacques Frédéric
Cf. Bertaud*, Boitard*, Doctrines criminelles*, Politique criminelle*, Rossi*.
Voir : M. Rauter, Déduction philosophique du principe du droit criminel
Né à Strasbourg en 1784, mort dans la même ville en 1854. Docteur en droit en 1812, il devint professeur de procédure civile et de législation criminelle en 1825 (à l'époque les deux matières étaient souvent liées : la procédure civile menait à la procédure pénale, qui était elle-même suivie du droit pénal... s'il restait du temps à l'enseignant). Doyen de la Faculté de droit de Strasbourg en 1837, ce bon pénaliste, quelque peu délaissé depuis plusieurs décennies, est surtout connu par son « Traité théorique et pratique du droit criminel français », paru en 1836, qui comporte 2 volumes. On peut encore s'y reporter encore avec profit.
Rauter (Traité
du droit criminel français). Avant-propos : Il est conforme à
la nature des choses que le législateur, dans la rédaction des
lois, procède autrement que le jurisconsulte dans leur
explication. Le premier proclame ses volontés, le second fait
connaitre le sens intime et la connexion des volontés du
législateur ; leur tâche est donc entièrement différente.
Lorsque le souverain, investi du pouvoir législatif, s'occupe à
faire une loi sur un certain objet, il envisage à la fois l'état
présent de la société, (état qui lui-même est le résultat de
tous ses divers états passés), et le résultat nouveau qu'il veut
obtenir ; occupé de ces deux idées, il rédige ses préceptes. Il
proclamera donc moins des principes, qu'il ne rédigera des
règles ; mais ces règles, il les aura déduites comme
conséquences des principes adoptés par lui, soit qu'il ait déjà
trouvé ceux-ci en vigueur chez le peuple auquel il donne des
lois, soit qu'il les ait créés lui-même pour les imposer à ce
peuple.
D'après cela il est évident que la méthode du professeur de
droit ne peut point être celle du législateur, que le premier
doit remonter aux principes, pendant que ce dernier se
contentera le plus souvent de les avouer tacitement en
proclamant leurs conséquences. Il y a de même diversité dans la
méthode d'enseigner la science du droit. En effet, il suffit à
la rigueur d'avoir fait connaitre les principes sur lesquels le
législateur a fondé les conséquences qu'il a sanctionnées comme
règles du juge, sans qu'on se mette en peine de justifier ces
principes mêmes aux yeux de la philosophie du droit. Pour le
professeur de droit positif, le droit dont il s'occupe est
justifié par cela seul qu'il existe. Cependant il est des
parties du droit positif qui touchent de si près à ce que
l'homme a de plus sacré, qu'il ne peut être indifférent de les
voir fondées en raison. Tel est sans contredit le droit
criminel. Puisque ce droit dispose de la vie et de l'honneur, il
est important non seulement de remonter à son principe, mais de
justifier, s’il est possible, son principe même, en d’autres
termes, de déduise philosophiquement le droit pénal des
principes fondamentaux de l'ordre social.
À l'époque actuelle, où les jurisconsultes et les philosophes
sont occupés à examiner les bases du droit de punir, où des voix
nombreuses, secondées de la faveur dont jouit la nouveauté,
s'élèvent contre le droit criminel existant, et le condamnent
même, soit dans son principe, soit dans ses applications, il
paraît intéressant non seulement de présenter la théorie du
droit criminel français tel qu'il existe, mais encore d'en
examiner philosophiquement le principe, de le fixer, et, si cela
est possible, de le justifier. C'est ce que nous nous sommes
proposé de faire en entreprenant cet ouvrage.
Sans vouloir présenter l'apologie de notre Code pénal que nous
sommes loin de trouver parfait, nous avons la conviction que, de
tous les systèmes de pénalité, le seul praticable c'est celui
qui repose sur la prévention des délits par la crainte, et que
tous les autres sont des jeux plus ou moins séduisants de
l'imagination et des rêves d'une fausse philosophie. Que la
justice, que l'humanité ne doivent rien perdre de leurs droits
dans un système qui adopte pour base la crainte ou
l'intimidation, c'est ce qui offrira un second point d'examen.
Peut-être que la déduction exacte et sincère que nous allons
présenter contribuera à concilier les opinions si divergentes
des criminalistes et des philosophes, des politiques et des
philanthropes.
ROCHE TARPÉIENNE
Cf. Mort (peine de)*, Peines*.
La Roche Tarpéienne était située au sud-ouest du Capitole, à Rome. C'est de cette hauteur que l'on précipitait, après flagellation, certains condamnés à mort sous la République romaine.
Mommsen (Droit pénal romain) : Le jet du coupable du haut de la roche Tarpéienne au Capitole, qui doit être précédé de la flagellation, est la forme légale d'exécution usitée partout où l'exécution ne peut être dirigée par le magistrat lui-même... Dans le droit de la loi des Douze tables, cette exécution n'était admise que dans deux cas : pour la catégorie la plus grave du vol, c'est-à-dire pour le vol manifeste de l'esclave, et pour le faux témoignage.
Montesquieu (De l'esprit des lois) : Chez les Romains, l'esclave qui avait volé était précipité de la roche Tarpéienne.
Le Bon (Psychologie des foules) : Les foules sont partout féminines, mais les plus féminines de toutes sont les foules latines. Qui s'appuie sur elles peut monter très haut et très vite, mais en côtoyant sans cesse la roche Tarpéienne et avec la certitude d'en être précipité un jour.
Proal (Le crime et la peine) : M. Lombroso, qui est un homme d'esprit, ne put s'empêcher de dire en souriant, en réponse à ces critiques, qu'il n'y avait pas loin pour lui du Capitole à la roche Tarpéienne.
ROSSI (Comte Pellegrino)
Cf. Doctrines criminelles*, Guizot*, Légistique*, Ortolan*, Politique criminelle*, Rauter*.
Voir : Rossi, Introduction au droit pénal
Voir : P. Rossi, La rédaction des lois d’incrimination
Voir : Rossi, Nature, buts, effets et mesure de la peine
Homme politique et jurisconsulte italien, né à Carrare en 1787,
mort assassiné à Rome sur les marches conduisant à l’Assemblée
des députés romains le 15 novembre 1848.
Après avoir été professeur à l'Université de Bologne, les
circonstances l'ont amené à effectuer l’essentiel de sa carrière
scientifique en France où il reçu des lettres de naturalisation
qui lui permirent d'être nommé professeur au Collège de France
puis d'entrer à l'Académie des sciences morales et politiques.
Il enseigna, outre le Droit criminel, le Droit constitutionnel.
On lui doit un « Cours de droit pénal » en trois volumes (1829),
devenu un « Traité de droit pénal » (1835), de haute
tenue, qui marque le retour de la science criminelle après que la doctrine française eut achevé d’assimiler le Code pénal de 1810. Cet ouvrage, d’une inspiration
libérale qui le rapproche de Benjamin Constant, examine successivement la théorie de l’infraction (confondue avec la théorie de la responsabilité), la théorie de la
peine (conçue dans une optique utilitariste), et enfin la théorie de la loi. Ce dernier point retient particulièrement l’attention, car peu d’auteurs ont le
courage de rappeler aux divers législateurs qu’ils ne sont pas investis d’un pouvoir discrétionnaire.
Stéfani, Levasseur et Bouloc (Droit pénal général) : L’école néo-classique mit en relief que l’utilité de la peine ne consiste pas seulement dans l’intimidation produite sur le coupable et ses pareils, mais qu’elle réside aussi bien dans l’amendement et dans le reclassement du condamné. Ses principaux représentants furent Guizot et Rossi.
Rossi (Traité de droit pénal) : Nous essayons dans ce travail d’établir les principes d’où doivent dériver, selon nous, et les lois de la justice criminelle, et les formes qui en garantiraient l’exécution… Les théories inspirent naturellement beaucoup de défiance ; mais on a beau faire, elles se glissent partout : plus ou moins complètes, elles dominent toujours les actions des hommes, qu’ils le sachent ou qu’ils l’ignorent. On n’échappe point à l’empire des principes généraux ; le monde leur appartient, et c’est la gloire de l’homme de leur obéir. Comme l’a dit un esprit profond, qui a défendu avec une logique rigoureuse : « Mépriser la théorie, c’est avoir la prétention excessivement orgueilleuse d’agir sans savoir ce qu’on fait et de parler sans savoir ce qu’on dit ».
Plaque
mémorative décrété par le Gouvernement italien en 1860, et
apposée à Bologne :
PELLEGRINO ROSSI
C'est ici qu'il apprit, qu'il enseigna la science du droit,
de Hautes dignités lui furent conférées chez des nations
étrangères ;
une gloire impérissable lui est acquise par ses écrits
et par ses actions.
Asservie et divisée, l'Italie pleura sa mort funeste ;
Libre et unie
elle rend hommage à sa mémoire.
ROUSSEAU Jean-Jacques - Voir : Contrat social*.
ROUSSEAU DE LA COMBE Guy du
Cf. Argou*, Ayrault*, Denisart*, Jousse*, Muyart de Vouglans*, Serpillon*, Tiraqueau*.
Rousseau (ou Rousseaud) de la Combe (ou de Lacombe) (mort vers 1745-1749) fut Avocat au Parlement de Paris. Il écrivit notamment en 17401 un « Traité des matières criminelles », qui faisait suite à un ouvrage de N. de Merville. Une septième édition, donnée en 1768, expose les principaux crimes et délits, précise la compétence des différentes juridictions, décrit la manière d'instruire les procès, et comporte les plus importants édits rendus depuis l'ordonnance criminelle d'août 1670. Encore cité par la doctrine du XIXe siècle, ce traité peut être consulté avec fruit en certains de ses passages.
Rousseaud de la Combe (Avertissement ouvrant la 7e édition) : La
jurisprudence criminelle est d'autant plus importante que, non seulement elle conserve les particuliers dans la possession paisible de leurs biens, ainsi que la
jurisprudences civile ; mais encore elle assure le repos public, et contient par la crainte des châtiments ceux qui ne sont pas retenus par la considération de
leurs devoirs...
L'importance de cette matière, l'exactitude qu'elle exige, et l'amour du bien public, ont porté l'Auteur à changer et refondre entièrement les premières
éditions de ce livre, qui n'étaient, pour ainsi dire, qu'un essai ; afin qu'il ne manquât rien de tout ce qu'on peut désirer dans une matière aussi vaste et de si
grande conséquence.
Jousse (Traité de la justice criminelle) : Cet auteur est un de ceux qui a écrit en français avec le plus d’étendue sur les matières criminelles ; mais il n’y a aucun ordre et un grand nombre d’observations singulières, déplacées et étrangères au sujet qu’il traite.
ROUX Jean André
Cf. Garçon*, Garraud*, Saleilles*.
Voir : Roux, Introduction au Cours de droit criminel
Voir : Roux, L'interprétation des lois pénales
Voir : J.-A. Roux, Critique de la théorie de la peine justifiée
Voir : Roux, Les fondements de la responsabilité pénale
Voir : Roux, Notions générales sur l'amnistie
Criminaliste (1866 - 1954). D'abord Professeur aux Facultés de droit de Dijon puis de Strasbourg, il devint par la suite Conseiller à la Cour de cassation. Ses principaux ouvrages sont un "Cours de droit criminel français" (dont la 2e éd., très supérieure à la 1e, fut publiée en 1927) et une étude consacrée à "La défense contre le crime" intitulée "Répression et prévention" (Paris 1922) où il insiste sur l'importance de l'amélioration morale des personnes. Mais il est surtout connu par ses notes de jurisprudence au Sirey, d'une rigueur et d'une clarté remarquables. Un juriste classique, mais très ouvert aux idées de son temps.
Roux (Cours de droit criminel français) : Le droit pénal met aux prises
deux principes opposés : le principe d'autorité, dont la société doit user pour protéger l'ordre public, et le principe des droits de l'individu que menace une
poursuite pénale. Or, c'est un fait qui permet de comprendre bien des transformations que l'on peut apercevoir dans nos Codes, et plus encore dans leur
application, que depuis plus d'un siècle que ceux-ci sont en vigueur, le principe dont la société est dépositaire est allé sans cesse en s'émiettant.
Il s'est affaibli entre les mains du législateur qui, craignant de paraître rigoureux, a multiplié les institutions de pardon, brisé la force de la loi par
l'abus qu'il a fait des lois d'amnistie... Et son affaiblissement s'est continué entre les mains des magistrats, qui ont hésité à user de la totalité des pouvoirs
répressifs qui leur étaient attribués et qui ont prononcé des peines de moins en moins sévères et qui ont accordé toujours plus libéralement les déclarations de
circonstances atténuantes.
La crise de l'autorité est certaine ; elle est intense... Nous croyons pouvoir dire que tant que durera cette crise, l'effet que l'on attend de la répression
pénale pour maintenir l'ordre social se produira mal, et que l'on assistera à une progression ascendante de la criminalité.