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Section III – la compétence des tribunaux

a) Généralités

compétence pénale - principe de continuité de la compétence des juridictions répressives - impossibilité que le cours de la justice soit interrompu.

Cass.crim. 21 mai 1990 (Gaz.Pal. 1990 II 705)

D...

Vu les dispositions de l’art. 662 al. 1 et 2 C.pén. et des art. 5 et 382 C.just.milit. et de l’art. 55-1 C.pén.;

Attendu que D... a présenté une requête en relèvement de l’incapacité électorale attachée à la condamnation dont il a fait l’objet le 18 juillet 1950 par le Tribunal militaire aux armées des troupes françaises en Indochine du Nord, pour attentat à la pudeur et complicité de meurtre;

Que cette juridiction n’existant plus, le cours de la justice se trouve ainsi interrompu;

Qu’en application des articles susvisés, il y a donc lieu de désigner la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Montpellier qui sera compétente pour statuer sur la requête présentée par M... D... ;

Par ces motifs, - Désigne la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Montpellier pour statuer sur la requête en relèvement d’incapacité électorale présentée par M... D... .

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compétence pénale - caractère d’ordre public - nécessité pour les juges de vérifier leur compétence dans l’affaire qui leur est soumise.

Cass.crim. 4 janvier 1990 (Gaz.Pal. 1990 II 387)

B...

Sur le moyen de cassation relevé d’office et pris de la violation des art. 332 et 333 C;pén., 469, 512 et 519 C.pr.pén...

Attendu qu’en matière répressive, les juridictions sont d’ordre public; que lorsque la Cour d’appel se trouve par l’appel du ministère public, saisie de la cause entière telle qu’elle s’est présentée devant le Tribunal correctionnel, elle doit, d’office, examiner sa compétence et se déclarer incompétente s’il résulte des faits, par elle retenus, que ces faits sont du ressort de la juridiction criminelle;

Attendu que les juges du fond constatent que B..., après avoir exercé des violences sur L... W..., jeune femme de 23 ans, atteinte de troubles mentaux et dénuée de capacité de résistance, l’avait emmenée avec lui dans une chambre d’hôtel et lui avait à plusieurs reprises imposé des rapports sexuels;

Attendu, en cet état, que les agissements que la Cour d’appel a considéré à tort comme constitutifs du délit d’attentat à la pudeur commis avec violence contrainte ou surprise sur une personne particulièrement vulnérable seraient de nature, s’ils étaient établis, à constituer le crime de viol aggravé prévu et réprimé par l’art. 332 al. 1 et 3 C.pén. ;d’où il suit qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a méconnu les limites de sa compétence ;

Par ces motifs, - Casse...

Note. - De même, Cass.crim. 22 février 1996 (B..., Gaz.Pal. 1996 I Chronique) : « Les règles de compétence des juridictions répressives sont d’ordre public; il en résulte que les juges correctionnels ne peuvent, sans excéder leurs pouvoirs, connaître de litiges que le législateur ne leur a pas attribués ».

Cass.crim. 22 mai 1996 (M..., Gaz.Pal. 1996 II Chronique VI 3°) : « En matière répressive, la compétence des juridictions est d’ordre public; il appartient aux juges correctionnels, saisis de la cause entière par l’appel du ministère public, de se déclarer incompétents, même d’office, lorsque les faits poursuivis ressortissent à la juridiction criminelle ».

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Compétence pénale - Extension de compétence en cas d’indivisibilité - Notion d’indivisibilité.

Cass.crim. 15 juin 1893, D... c. E... (S. 1894 I 57) : Les deux délits d’outrages par paroles et de port d’une arme prohibée se rattachent au chef des violences par les liens de l’indivisibilité; non seulement ils ont été commis dans le même trait de temps, dans le même lieu et ont été inspirés par le même mobile, mais, en outre, l’indivisibilité de la défense sur l’ensemble des faits compris dans une seule et même scène commande de les soumettre simultanément à l’appréciation d’un même juge.

Cass.crim. 15 octobre 1959 (Bull.crim. n° 435 p.845 sommaire) : Il y a lieu de considérer un crime ou un délit comme rattachés l’un à l’autre par les liens de l’indivisibilité, lorsqu’ils ont été commis dans le même trait de temps, dans le même lieu, qu’ils ont été déterminés par le même mobile, qu’ils procédent de la même cause, et qu’en outre l’indivisibilité de l’accusation comme de la défense, sur l’ensemble des faits, commande de les soumettre simultanément à l’appréciation d’un même juge.

Voir aussi : Cass.crim. 23 avril 1981 (A..., ci-dessous).

 

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compétence pénale - extension de compétence en cas de connexité - notion de connexité.

Cass.crim. 13 février 1974 (Bull.crim. n° 64 p.155)

Dame B...

Sur le moyen de cassation pris de la violation des art. 382, 521, 203 C.pr.pén. et 593 du même Code, violation des règles de compétence, défaut de motifs et manque de base légale, en ce que l’arrêt attaqué a condamné la demanderesse pour des contraventions, alors que la connaissance de celles-ci ressortissait au Tribunal de police;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que A.G... est poursuivie pour avoir commis cinq délits d’émission de chèques sans provision d’un montant supérieur à 1000 F et onze contraventions d’émission de chèques sans provision d’un montant inférieur à cette somme ;

Attendu que la Cour d’appel, qui relève que tous les chèques avaient été tirés, à la fin de décembre 1971, sur un même compte bancaire, a régulièrement statué sur les contraventions dont elle était saisie;

Qu’en effet, les dispositions de l’art. 203 C.pr.pén. ne sont pas limitatives; qu’elles s’étendent au cas où il existe entre les faits des rapports étroits, analogues à ceux que la loi spécialement prévus ; que, dès lors, l’arrêt attaqué a pu, implicitement mais nécessairement, admettre la connexité des délits et des contraventions, ces infractions, commises pendant la même période, procédant d’une conception unique, et étant dans leur exécution, en raison de l’unité du compte, liées les unes aux autres ;

Qu’ainsi le moyen doit être rejeté...

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b) La compétence d’attribution

compétence d’attribution - infraction commise par un fonctionnaire - acte ne constituant pas une faute de service détachable de l’exercice des fonctions - juridiction répres­sive incompétente pour statuer sur l’action civile.

Trib.conflits 14 janvier 1935 (S. 1935 III 17 note Alibert) 

T...

Considérant qu’un convoi de camions militaires, allant à la vitesse de 20 k/h, sous les ordres d’un gradé, a dépassé sur la route un cycliste, le sieur T..., et que la remorque d’un de ces camions, à la suite d’un coup de volant donné par son con­ducteur, le soldat M..., en vue d’éviter le choc du camion précédant, qui avait brusquement ralenti son allure, a renversé et blessé le cycliste;

Considérant qu’à raison de cet accident, l’action publique a été mise en mouvement, en vertu de l’art. 320 C.pén., à la requête du ministère public contre M..., lequel a été condamné par le Tribunal correctionnel, puis par la Cour d’appel de Chambéry, à 25 F d’amende et au paiement à T..., partie civile, d’une provision de 7.000 F, en attendant qu’il soit statué, après expertise, sur sa demande de dommages-intérêts ; que, devant la Cour d’appel, l’État, qui n’avait pas été mis en cause par la partie civile, est intervenu pour décliner la compétence de l’autorité judiciaire, aux fins de faire substituer sa responsa­bilité civile à celle du soldat;

Considérant que, dans les conditions où il s’est présenté, le fait imputable à ce militaire, dans l’accomplissement d’un service commandé, n’est pas constitutif d’une faute se détachant de l’exercice de ses fonctions; que, d’autre part, la circonstance que ce fait a été poursuivi devant la juridiction correctionnelle, en vertu des dispositions du nouveau Code de justice militaire sur la compétence, et puni par application de l’art. 320 C.pén., ne saurait, en ce qui concerne les réparations pécuniaires, eu égard aux conditions dans lesquelles il a été commis, justifier la compétence de l’autorité judiciaire, saisie d’une poursuite civile exercée accessoirement à l’action publique ;

Art. 1er.  L’arrêté de conflit pris par le préfet de la Savoie, le 7 août 1934, est confirmé.

Art. 2. Est considéré comme nul et non avenu, en ce qu’il a de contraire à la présente décision, l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry, en date du 26 juillet 1934.

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compétence pénale - compétence d’attribution - compétence pénale limitée aux agissements constitutifs d’une infraction pénale et à leurs conséquences.

Cass.crim. 7 novembre 1990 (Gaz.Pal. 1991 I 181)

Epoux H...

Sur le moyen de cassation pris de la violation des art. 69 C.pén., 1382, 1383 et 1384 C.civ., 2 et 593 C.pr.pén., défaut de motifs et manque de base légale...

Attendu qu’en application de l’art. 2 C.pr.pén., la juridiction répressive est incompétente pour rechercher si le civilement responsable, cité en cette qualité, a commis une faute personnelle au sens de l’art. 1382 C.civ. ;

Attendu que pour condamner les demandeurs à des dommages-intérêts au profit d’un tiers victime d’un vol commis par leur fils mineur, la Cour d’appel, par des motifs exactement reproduits au moyen, énonce qu’ils se sont rendus coupables d’une faute civile dans les termes de l’art. 1382 C.civ. ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, la Cour d’appel a méconnu le principe ci-dessus visé; qu’ainsi le moyen doit être accueilli ;

Par ces motifs, - Casse...

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Compétence d’attribution et application de la loi dans le temps

Cass.crim. 16 décembre 1954 (P..., ci-dessous VII 4 C.) a jugé que l’action civile échappe à la compétence des tribunaux répressifs lorsque la loi pénale applicable aux faits a été abrogée avant que n’intervienne un jugement au fond.

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c) La compétence territoriale

Compétence territoriale - Caractère d’ordre public.

Cass.crim. 4 janvier 1978, P... (Bull.crim. n° 6 p.12) : « L’exception d’incompétence territoriale est d’ordre public et peut être soulevée pour la première fois devant la Cour de cassation ».

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compétence territoriale - lieu de la résidence du prévenu - détermination au jour du dépôt de la plainte ou du déclenchement des poursuites.

Cass.crim. 21 septembre 1911 (S. 1914 I 116)

B...

Sur le moyen relevé d’office, et pris de la violation des art. 63 C.instr.crim., et 7 de la loi du 20 avril 1810 ;

Attendu que l’arrêt dénoncé constate que B..., domicilié de droit à Montpellier, réside actuellement à Aix-les-Bains, où il exerce sa profession; qu’il en déduit que le juge d’instruction de Montpellier ne saurait avoir compétence à raison du lieu de la résidence du prévenu;

Mais attendu que la résidence attributive de compétence, aux termes de l’art. 63 C.instr.crim., est celle du prévenu au temps de la plainte ou de la poursuite; que la Cour d’appel eût dû s’expliquer sur le lieu de la résidence de B... au moment où la partie civile a porté contre celui-ci, devant le juge d’instruction de Montpellier, ses plaintes des 25 juin 1910 et 9 juin 1911 ;

En l’état, l’arrêt attaqué a été rendu en violation de l’art. 7 de la loi du 20 avril 1810 pour manque de base légale, et doit être cassé...

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compétence territoriale - compétence étendue à l’ensemble des faits indivisibles s’étant pour partie produits en France.

Cass.crim. 23 avril 1981 (Bull.crim. n° 116 p.321).

A...

Sur le moyen de cassation pris de la violation des art. 689 al.1, 689-1, 593 C.pr.pén., et des règles régissant la compétence internationale des juridictions répressives françaises...

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, par une procédure unique, A..., ressortissant yougoslave, a été inculpé, ainsi que des ressortissants français, par le juge d’instruction de Lyon, d’une part, de faits commis à l’étranger et dénoncés par les autorités néerlandaises aux autorités françaises, à savoir : vol qualifié commis à Rotterdam le 22 avril 1977, vol d’un véhicule à Utrecht le 10 juin 1977, tentative de vol qualifié et tentative d’assassinat commis à Utrecht le 10 juin 1977, d’autre part, de faits commis en 1977 en France, tels qu’usage de faux documents administratifs et usurpation d’état civil, vol de véhicule et association de malfaiteurs ;

Attendu qu’en ce qui concerne les actions ponctuelles commises à l’étranger le demandeur a décliné la compétence du juge d’instruction français motif pris de ce que ces faits auraient été commis à l’étranger par un étranger et seraient distincts de ceux qui auraient été commis en France ;

Mais attendu que l’arrêt attaqué a constaté qu’en l’espèce les faits dénoncés par les autorités étrangères se rattachaient à ceux commis en France et constituaient l’association de malfaiteurs dont ils ne sont qu’une résultante et dont il est impossible de les détacher ;

Attendu qu’en cet état les faits commis à l’étranger apparaissent comme formant un tout indivisible avec les actes également imputés en France à A... et à l’égard desquels la juridiction française est compétente;

D’où il suit que le moyen doit être écarté...

 

Note. - Voir également Cass.crim. 3 mai 1995 (arrêt I...).

Cass.crim. 12 février 1979 (Bull.crim. n°60 p.167, G...) offre un autre exemple, relatif à des tableaux exposés et négociés à Cologne, mais qui avaient été remis au mandataire à Paris. Sommaire : Aux termes de l’art. 639 C.pr.pén., est réputée commise sur le territoire de la République toute infraction dont un acte caractérisant un des éléments constitutifs a été accompli en France ; il en est ainsi en cas d’abus de confiance commis par un mandataire, lorsqu’il a été constaté que la remise des objets a eu lieu en France.

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